Immobilier : la démographie met le logement sous pression

Tous les acteurs de l'immobilier en ont conscience : la population augmente en France, sous l'effet de la natalité et d'un solde migratoire positif. Mais le nombre de ménages grimpe encore plus vite. Un phénomène qui s'explique par le vieillissement de la population qui accroît la proportion de ménages sans enfants, par l'augmentation des divorces ou encore de la modification du comportement des jeunes, qui s'installent plus souvent seuls plutôt qu'en couple lorsqu'ils quittent leurs parents.

Résultat, en 2015, le Commissariat général au plan prévoyait que le nombre de ménages serait supérieur de 30 % à son niveau d'alors à horizon 2050. Autant d'évolutions démographiques qui représentent des opportunités pour le monde de l'immobilier mais qui mettent aussi sous pression l'univers du logement.

Des migrations de population

Il faut construire pour absorber cette nouvelle demande, martèle régulièrement la ministre déléguée au Logement, Emmanuelle Wargon. Avec des besoins estimés autour de 500.000 logements neufs par an. Mais encore faut-il savoir où.

« Il y a vingt-cinq ans, une étude du Bureau d'informations et de prévisions économiques (Bipe) avait prévu une migration des populations vers les littoraux. Ces prévisions se sont révélées exactes et à l'époque, elles nous ont poussés à construire davantage sur la façade ouest et au sud », raconte Vincent Ego, directeur général du promoteur Cogedim.


Les poids lourds du secteur de l'immobilier s'intéressent au coliving


Plus récemment, l'épidémie de Covid-19 a renforcé l'attrait pour les villes moyennes. Le développement du télétravail convainc aussi certains Français de s'installer plus loin de leur bureau, en périphérie des grandes villes. Mais quelles seront l'ampleur et la durée de ces tendances ?

« Il faut être humble par rapport à ces sujets, finalement, nous accompagnons des projets politiques », constate Lionel Cayre, directeur général promotion pour la moitié est de la France chez Bouygues Immobilier.

Les grands logements familiaux moins prisés

Ces évolutions démographiques impliquent aussi des besoins différents en matière de typologie de logements. « Nous avons aujourd'hui une forte demande pour les deux ou trois pièces - soit des appartements avec une ou deux chambres - alors qu'il y a une vingtaine d'années la demande était plus importante pour les trois ou quatre pièces », indique-t-il.


« Très clairement, il y a un fort besoin pour de petits logements. Malheureusement, de nombreux maires ont du mal à le comprendre et continuent à nous demander de grands logements familiaux », regrette le dirigeant de Cogedim.

Le marché des résidences seniors se prépare au « papy-boom »


Les appartements sont aussi conçus différemment. Avec, par exemple, la possibilité de monter facilement une cloison pour créer une chambre supplémentaire ou de la faire tomber pour agrandir le séjour, en fonction de l'évolution de la composition familiale. « L'évolutivité des logements permet de répondre à plusieurs séquences de la vie », explique Vincent Ego.

Pour répondre aux besoins aux deux extrémités de la pyramide des âges, les promoteurs conçoivent aussi des résidences seniors et des résidences pour les étudiants ou les jeunes actifs dites de « coliving » - une forme de colocation améliorée avec services.


Le défi du vieillissement

« Dans les résidences seniors, les couloirs sont plus larges, ils sont dotés de bandeaux réfléchissants afin d'éviter les chutes lorsque les habitants se déplacent la nuit, les salles de bains sont adaptées - sans seuil dans les douches par exemple », explique Lionel Cayre.

L'exécutif marque aussi sa volonté d'adapter les logements anciens au vieillissement. Lorsqu'il était ministre chargé du Logement, Julien Denormandie disait en plaisantant que s'il ne fallait retenir qu'une seule de ses actions, ce serait le plan d'aide à la rénovation des salles de bains des personnes âgées monté avec Action Logement. Dans le but de les rendre plus fonctionnelles et d'éviter les chutes.

HLM : le nombre de demandeurs en attente a bondi de 20 % en huit ans


Aujourd'hui, l'exécutif réfléchit à la mise en place de MaPrimeAdapt' , une aide destinée à l'adaptation des logements au vieillissement.

« On a beaucoup parlé ces dernières années de l'enjeu du logement des personnes âgées. Mais le pic de naissances des années 2000 n'a pas été perçu par les politiques publiques. Or les enfants nés en 2000 ont aujourd'hui 20 ans et nous ne sommes qu'au début d'une séquence au cours de laquelle il va y avoir beaucoup de jeunes à loger », regrette en revanche Salim Didane, directeur de la prospective à l'Union nationale pour l'habitat des jeunes (Unhaj).

Des besoins côté jeunes

« Il est vrai qu'à chaque rentrée universitaire, on se rend compte à quel point l'offre de logements étudiants est structurellement déficitaire, avec certains jeunes qui n'ont d'autre choix que de louer des logements indignes », abonde Vincent Ego. Les jeunes actifs aussi sont concernés.

Cela renvoie à nouveau au déficit d'offre de petits logements. Le gouvernement avait lancé un plan spécifique fin 2018, mais pour l'heure, les objectifs ne sont pas atteints.

Par Elsa Dicharry

Publié le 10 déc. 2021 à 16:16

Mis à jour le 13 déc. 2021 à 18:53

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