La guerre en Ukraine risque de faire encore grimper le prix des logements en Europe

Partout en Europe, le constat est identique : l'offre de logements manque, la production est insuffisante pour combler les besoins de la population et les prix ne cessent de grimper. L'association Build Europe, qui réunit promoteurs immobiliers, aménageurs et constructeurs de maisons de quatorze pays du Vieux Continent, a constaté, au troisième trimestre 2021, une hausse moyenne annuelle du prix des logements neufs de 9,2 % dans l'Union.

Résultat, « que ce soit en France, en Italie, en Allemagne, en Norvège, etc. et malgré les politiques différentes menées dans ces pays, le logement est de moins en moins abordable », a alerté son président, Marc Pigeon, à la veille d'une réunion ce mardi à Nice des ministres européens du Logement. Dans certains pays comme l'Estonie (+141 %), la Lettonie (+106 %), la Hongrie (+118 %) ou le Luxembourg (+117 %), les tarifs ont carrément plus que doublé depuis 2010.

Foncier rare et cher

Les raisons de ces hausses sont connues. Entre un foncier rare et cher, des matériaux de construction de plus en plus coûteux et des normes environnementales qui renchérissent, elles aussi, le coût de revient des logements. C'est le cas en France de la « RE 2020 » qui a succédé à la « RT 2012 ». Elle est entrée en vigueur au 1er janvier dernier et ses exigences vont croître par paliers d'ici à 2031.

La réglementation environnementale va faire monter les prix des logements neufs


L'objectif poursuivi un peu partout est d'arriver à un « zéro artificialisation nette » (ZAN) des sols et de ne plus construire que sur des terres déjà artificialisées, va encore « entraîner une hausse du prix des terrains et donc des logements », souligne Marc Pigeon. Sans remettre en question la nécessité de protéger l'environnement, il dénonce « une mise en oeuvre trop radicale des directives européennes sur la sobriété foncière ».

La guerre en Ukraine vient ajouter une nouvelle ombre au tableau, et risque d'accentuer encore cette tension sur les prix. Avec notamment une augmentation supplémentaire attendue des tarifs des matériaux et de l'énergie.

Des incertitudes

« Lorsque nous négocions des marchés aujourd'hui, les entreprises nous disent : je ne peux pas vous bloquer les prix. Je ne sais pas à quel tarif demain je vais acheter l'acier. Je ne sais pas combien je vais payer le fuel pour faire rouler mes camions… », décrypte le président de Build Europe.

« Au-delà des problèmes d'inflation, nous risquons des ruptures d'approvisionnement, souligne de son côté Pascal Boulanger, le président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) en France. Quand on sait, par exemple, que l'acier vient à un petit 50 % de la Russie… ».

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L'Europe, déjà confrontée à un déficit de logements, va en outre devoir relever le défi de l'accueil des réfugiés ukrainiens. La Pologne, et dans une moindre mesure la Roumanie, sont aujourd'hui en première ligne. Mais les Vingt-Sept sont décidés à jouer la solidarité dans ce domaine.

Pour une planification

Dès lors, Build Europe souligne la nécessité de construire plus de logements. « Cela passe par de la planification et de la programmation », estime l'organisation, et par une levée des obstacles à la délivrance de permis de construire. Elle demande aussi une révision de la fiscalité appliquée à l'immobilier et au foncier - avec par exemple des taux de TVA réduits.

Les promoteurs, constructeurs et aménageurs européens réclament enfin « un moratoire de cinq ans sur les nouvelles réglementations environnementales », le temps, déjà, « d'absorber » les évolutions récentes.

« Le logement abordable est un enjeu qui grandit dans de nombreux Etats membres », a admis la ministre déléguée au Logement française, Emmanuelle Wargon, à l'issue de la réunion à Nice, sans annoncer de mesures particulières.

Pour l'heure, les ministres européens du Logement ont surtout affirmé leur volonté de mieux travailler ensemble et d'échanger de bonnes pratiques. Ils se sont accordés sur la tenue de réunions régulières alors qu'avant celle de ce mardi, la précédente avait eu lieu en… 2013. Il faut dire que le logement n'est pas de la compétence de l'Europe - mais un certain nombre de décisions européennes ont un impact sur le logement.

Par Elsa Dicharry

Publié le 8 mars 2022 à 11:42

Mis à jour le 8 mars 2022 à 19:01

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